Hypothèse : l’anxiété chronique chez l’adulte peut être dans certains cas une conséquence d’une répétition de cauchemars faits dans un état dissociatif, le plus souvent dans l’enfance.

Résumé : Un individu peut pendant son sommeil passer par un très léger niveau de lucidité suffisant pour détecter l’atonie musculaire normale liée au sommeil mais pas suffisant pour avoir conscience d’être endormi et donc de la normalité de cette atonie, provoquant ainsi une réaction physiologique d’anxiété qui sera progressivement intégrée dans le rêve, le transformant progressivement en cauchemar. Ce cauchemar décuplera le niveau d’anxiété, y compris ses composantes physiologiques, et ce sentiment d’angoisse sera encore présent au réveil avant de progressivement s’effacer au cours de la matinée. Cependant si cette expérience est répétée trop souvent, en particulier dans l’enfance où la capacité à mettre du sens sur les expériences complexes est limitée, l’état d’anxiété présent au réveil pourra s’installer de façon plus permanente et donc se trouver détaché de sa source, poussant ainsi l’individu à chercher une explication rationnelle pour justifier cette anxiété et ainsi provoquer des troubles de l’humeur comme anxiété chronique, dépression et peur exarcerbée de la mort.

Schéma : Différents niveaux de lucidité mis en lien avec la qualité de l’expérience subjective

Explications par rapport aux éléments du schémas :

  • Axe des ordonnées : par « expérience subjective positive », j’entends que l’expérience subjective est vécue comme agréable, et par « expérience subjective négative » qu’elle est vécue comme désagréable

  • Axe des abscisses : par « lucidité » j’entends la conscience de l’individu de son état d’éveil et de son niveau de vigilance. Une lucidité élevée (niveau extrême positif ou négatif) indique que l’individu a une conscience claire de son niveau de vigilance et de s’il est éveillé ou endormi. Une absence de lucidité (correspondant au 0) indique que l’individu n’a pas conscience de son niveau de vigilance réel et n’a pas conscience qu’il est endormi.

  • Axe des abscisses : par « conscience située dans le monde réel » j’entends que si l’on pose la question à l’individu de si l’on se trouve dans un rêve ou dans le monde réel, il répondra « dans le monde réel ». À noter que le graphique représente mal la réalité pour ce point car c’est seulement lors d’un rêve lucide de type 1 que l’individu pourra commencer à situer sa conscience dans le monde onirique, donc à répondre que l’on se trouve dans un rêve. C’est à différencier de la conscience de soi car lors d’un rêve lucide de type 4 l’individu aura un accès total à ses souvenirs et à sa subjectivité. C’est aussi à différencier de la conscience de l’environnement car lors d’un rêve lucide de type 4 l’individu peut dire où son corps se trouve dans la réalité et décrire la pièce avec une totale exactitude mais sans pour autant pouvoir percevoir un changement qui y serait fait pendant ce rêve.

  • L’oval de la veille calme est étroit (sur l’axe des abscisses) car en général en veille calme le niveau de lucidité est élevé et à peu près stable, mais il est long (sur l’axe des ordonnées) car selon l’état physique et le contenu de conscience l’expérience subjective peut se situer n’importe où sur le continuum agréable-désagréable. Cette façon de lire la forme et la position de l’oval s’applique à tous.

  • Par « absence, délire dans la schizophrénie catatonique », je fais référence à ces moments où ce type de patient se déconnecte de la réalité pour partir dans une rêverie suffisamment forte pour n’avoir quasiment plus conscience du monde extérieur. Les termes sont donc à prendre comme une tentative de rendre compte de ce type d’expérience et de les situer dans le graphique à titre de comparaison mais sans prétention d’être les termes adaptés ni même que les symptômes décrits correspondent réellement à ce qu’est une schizophrénie catatonique.

  • Un rêve lucide de type 0 correspond à un rêve dont le thème est le rêve, par exemple parler de théorie sur les rêves pendant le rêve, sans pour autant avoir aucune conscience qu’on est en train de rêver. La supposition ici étant qu’il y a un très léger niveau de lucidité, suffisant pour imprégner le rêve de la thématique « rêve » mais pas suffisant pour que l’individu ait conscience qu’il est en train de rêver.

  • Un rêve lucide de type 1 correspond à un rêve où l’individu doute de sa réalité dans le rêve, et commence fortement à se dire qu’il est dans un rêve, que ce n’est pas réel etc…

  • Un rêve lucide de type 2 correspond à un rêve où l’individu prend conscience qu’il rêve mais prend toujours les personnages de rêves comme des personnes réelles, et donc va très souvent vouloir les convaincre qu’ils sont comme lui dans un rêve.

  • Un rêve lucide de type 3 correspond à un rêve où l’individu a totalement conscience qu’il est dans un rêve et que rien n’est réel, y compris les personnages de rêve. Cependant ses capacités de modifier le rêve sont assez limitées.

  • Un rêve lucide de type 4 correspond à un rêve où l’individu a totalement cosncience qu’il est dans un rêve, et où ses capacités de modifier le rêve sont quasi totales. Il peut même décider de se réveiller.

  • Par « cauchemar à lucidité légère mais trop faible », j’entends le type de cauchemar dont il est principalement question dans cet article et dont il est question dans le résumé, à savoir un cauchemar qui fait suite à un état dissociatif.

  • Par « paralysie du sommeil » j’entends un rêve où l’individu a conscience qu’il est dans un rêve mais ne peut pas bouger ni sortir du rêve, et c’est très souvent accompagné par le sentiment ou la vision d’une entité menaçante dans le rêve qui est perçue comme potentiellement dangereuse et ce en dépit de la conscience d’être dans un rêve.

  • Par « état dissociatif » dans l’hypothèse j’entends un état de conscience modifié dans lequel la personne n’est pas en contact entier avec sa pensée.

Contexte

Je souffre d’une peur de la mort que je qualifierais d’exacerbée depuis que j’ai 4 ans (j’en ai 32 aujourd’hui). Cette peur de la mort m’a obsédé toute ma vie, et plus particulièrement la question de pourquoi est-ce que moi j’y pense tout le temps alors que peut de gens ont l’air d’y penser autant que moi.

Cette nuit j’ai fait un cauchemar et en me réveillant tout ce raisonnement que je vais vous présenter m’est venu, et j’ai eu la sensation comme je ne l’ai jamais eue auparavant que ça répondait enfin à ce questionnement de pourquoi si peu de gens semblent affectés et d’une cause qui n’est qu’une supposition mais qui fait sens avec plein d’autres éléments soutenus par la neuropsychologie.

Explications de ces hypothèses

Concernant les rêves lucides une supposition actuelle pour les expliquer est l’idée d’états dissociatifs. Pour ce qui est du sommeil physiologique, on sait qu’un individu rentre dans le sommeil physiologique quand suffisamment des parties de son cerveau sont endormies, et donc que toutes les parties du cerveau ne s’endorment pas en même temps.

Si l’on garde ces idées en tête, et le schéma présenté plus haut, une première hypothèse serait de dire que plus on va vers les extrêmes sur l’axe des abscisses, plus le niveau de lucidité est grand, ce qui signifie que plus il y a de parties de notre cerveau qui sont éveillées. Ceci expliquerait pourquoi le sentiment de lucidité lors d’un rêve lucide de type 3 ou 4 est si proche (voir sensiblement comparable) à l’expérience de veille.

Maintenant si l’on reste du côté négatif de l’axe des abcisses (le sujet étant donc endormi) mais qu’on se rapproche du centre, on peut tout à fait émettre l’hypothèse d’un état où une toute petite partie du cerveau est éveillée, et que cela est suffisant pour percevoir l’atonie musculaire normale liée au sommeil, mais pas suffisant pour avoir conscience du fait que l’on est endormi et donc pouvoir expliquer cette paralysie de façon rationnelle. Ainsi comme l’individu perçoit cette paralysie sans pouvoir l’expliquer, cela sera suffisant pour provoquer une réaction physiologique d’anxiété.

Maintenant imaginons que cet individu est en train de rêver, il est raisonnable de penser que cette réaction physiologique d’anxiété va progressivement être intégrée au rêve sous la forme de quelque chose qui pour le cerveau peut provoquer une réaction d’anxiété similaire dans la vie réelle, donc un élément ou une situation désagréable, causant encore plus d’anxiété et transformant le rêve calme en un cauchemar que j’ai qualifié sur le graphique de « cauchemar à lucidité légère mais trop faible ».

Une hypothèse complémentaire serait de dire que si le niveau de lucidité était suffisamment fort, le contenu de ce qui a été perçu (à savoir l’atonie musculaire) pourra être retranscrit avec plus de ressemblance, donnant naissance à ce type de cauchemar dit universel (car étant rapporté par beaucoup de personnes et décrit de façon sensiblement égale) où l’on ne peut pas courir, où nos movements sont entravés, où l’on est poursuivi par un monstre invisible auquel on ne peut pas échapper etc…

Ce genre de cauchemar peut provoquer des sensations très fortes voir traumatisantes, et ainsi provoquer un sentiment d’angoisse dans la vie éveillée. Il est en effet chose courante de se réveiller d’un cauchemar avec des restes de ce sentiment d’angoisse et d’avoir quelques pensées qu’on sait irrationnelles nous traverser l’esprit en se recouchant, ou tout du moins une attention toute particulière pour les bruits suspects dans la maison.

Imaginons maintenant que ce sentiment d’angoisse au réveil soit trop récurrent, en particulier dans l’enfance où les capacités de mettre du sens rationnel sur les expériences est limité par le manque de connaissance, on peut parfaitement imaginer qu’il commence à s’installer de façon plus permanente, à être toujours un peu là.

Maintenant en partant du principe que ce sentiment d’anxiété est présent en permanence dans l’arrière plan de la conscience à l’état d’éveil, il paraît logique que la conscience sera poussée à vouloir justifier ce sentiment d’anxiété en cherchant des raisons objectives pour se sentir anxieux, donnant lieu à une hypervigilance et hypersensibilité à la menace, à un neuroticisme élevé et dans les cas les plus graves à un état d’anxiété qu’on qualifiera de chronique.

Si l’on pousse le raisonnement, puisqu’il faut des raisons à la conscience pour justifier cette anxiété, quitte à les voir là où il n’y en a pas, cela pourrait donner lieux à une tendance à la méfiance, à la croyance dans des théories du complot, voir dans des cas relativement extrêmes à une forme de paranoia.

Et puisqu’il faut des raisons idéalement objectives pour justifier cette anxiété, quoi de mieux que de la justifier par la réalité absolue et le danger ultime, à savoir le fait que nous allons tous mourir. Ce serait en effet le meilleur repli pour justifier cet état d’anxiété chronique, car il y a une vraie raison d’être anxieux en permanence à savoir le fait que la mort peut nous frapper à tout moment. Et ce cheminement ferait la différence entre ceux qui comme moi sont obsédés par cette peur de la mort quand la plupart des gens en ont conscience mais n’y pensent pas vraiment, ou en tout cas pas jusqu’à un niveau pathologique.