Comme dit Jordan Peterson, il n’y a rien de plus effrayant quand on va chez un médecin que de l’entendre dire « décidément, je n’ai jamais vu quelqu’un comme vous, je n’ai aucune idée de ce que vous avez ! »

Quand on va chez le médecin, le diagnostique rassure. Si je sais que j’ai une grippe, je sais qu’il y a un traitement approprié et que je serai guéri. J’accepte donc ma grippe, je prends soin de moi par rapport à cette grippe, je ne vais pas dehors dans le froid et l’humidité ni faire trop d’efforts donc je n’aggrave pas mon cas, et petit à petit le traitement fait son effet jusqu’à ma guérison.

Quelle est la différence pour un trouble mental ?

Il est coutume de dire que quand je vais voir un Psy je me fous du diagnostique, je veux juste aller mieux, mais est-ce que c’est vrai ?

Pourquoi est-ce que ce serait différent de quand je vais voir le médecin ? Bien sûr que quand je vais voir le médecin je veux avant tout être guéri mais ça n’enlève en rien l’envie de savoir ce que j’ai, ne serait-ce que pour une potentielle prévention pour moi et mes proches.

Ce qui me rappelle aussi que pendant très longtemps (voir encore un peu aujourd’hui) j’avais peur d’être contagieux, d’avoir le virus de la dépression et de pouvoir le transmettre à ma copine. J’avais donc tendance à la garder à distance, et comme dit Winnicott « si l’on garde les gens à distance, ça veut aussi dire que tout ce qu’ils nous donnent est loin de nous ».

Et ce faisant, j’aggravais mes symptômes et mon trouble anxieux, puisque j’avais peur d’être démasqué, peur de ce qui se passerait le jour où elle rentrerait vraiment en contact avec mon trouble, alors que le simple fait de lui montrer et de lui expliquer a par la suite largement dissipé ce problème et je pense à titre personnel que si j’avais un diagnostique concret ça finirait de lui tordre le cou (au problème, pas à ma copine hein !).

Ainsi je tendrais donc à être en désaccord avec ce principe de psychothérapie qui voudrait qu’on ne parle jamais de théorie avec un patient. La théorie permet de donner du sens et il semble de ma petite expérience personnelle et professionnelle que donner du sens contribue grandement à la progression (oserais-je dire guérison ?).

Cependant il y a tout de même un gros problème qui ramène une nouvelle fois pour moi la thérapie dans le domaine de l’art plus que de la science : puisque le diagnostique rassure et apaise et que le patient souffre, comment peut-on ne pas supposer que le patient se jettera sur le moindre diagnostique qui semble se rapprocher de ses troubles juste pour tirer les bénéfices d’avoir une étiquette ?

Et vu la subtilité du psychisme et des troubles mentaux, les chances qu’un premier diagnostique soit faux sont grandes.

Le patient se trouverait ainsi dans une position où il cherchera toutes les preuves que ses symptômes correspondent bien à ce trouble quitte à en inventer, un peu comme ce jeune étudiant de médecine qui pense avoir chaque maladie au fur et à mesure qu’il en découvre une autre dans son manuel.

Par conséquent les pistes qui mèneraient à sa véritable guérison s’en trouvent brouillées et le traitement prolongé, voir maintenu des années sans solution, voir abandonné.

Mon sentiment serait donc de revenir sur la question de psychothérapie comme art, comme sensation, comme intuition qui demanderait de sentir quand c’est approprié de parler théorie et quand ça ne l’est pas.

Révéler le bon bout de théorie au bon moment permettrait d’accélérer le processus, mais en cas d’erreur c’est l’effet inverse qui se produit.

Le thérapeute se retrouve ainsi projeté dans l’art du cirque, presque comme un équilibriste qui marche sur son fil, mais sans filet car une erreur peut être très lourde pour le patient.

Il resterait donc un choix, celui de la sécurité de ne rien dire, ou celui du risque de tenter, cependant on peut aussi imaginer que pour certaines personnes il y a une urgence qu’on ne voit pas, et trop tarder serait le condamner.

Donc même le choix de la sécurité n’en est pas vraiment un, il reste l’équilibriste avec filet et l’équilibriste sans.

Sans filet la récompense est plus grande puisque dans les arts du spectacle le but est de divertir et le danger véritable donne une petite sensation en plus, mais si j’étais de la famille de l’équilibriste je ne pourrais m’empêcher de penser que c’est quand même un peu con.

Je commençais cet article en pensant arriver à la conclusion qu’il vaut mieux donner le diagnostique quand on pense l’avoir, je le termine en me disant que finalement, je n’en suis plus si sûr.

Pour citer un client : « ce n’est donc pas aujourd’hui que je révolutionnerai la psychothérapie ! »